Dans le numéro précédent de la “Lettre Sépharade” il a été longuement question du consul du Portugal à Bordeaux en 1940, Sousa Mendes.
Et dans le présent numéro nous avons évoqué ci-dessus pour leur rendre hommage un certain nombre d’Espagnols, hommes et femmes droits, gens de cœur.
Pour clore ce dossier nous rapportons ci-dessous, d’un de nos lecteurs qui a vécu la période.
Né en 1895, mon père Salomon Abastado, de nationalité portugaise, était arrivé de Salonique en France en 1923. Il tenait avant la guerre un magasin de modes à Paris. Grâce à l’action du consul du Portugal à Paris, le docteur Antonio José Alves, et surtout du vice-consul Carvalho da Silva, nous avons été longtemps protégés : 1° Au magasin, jamais nous n’avons eu à coller sur la vitrine le panonceau “commerce juif”, et bien au contraire, le consulat nous en a fourni un autre, indiquant que le magasin était la propriété d’un citoyen portugais, et sous protection des autorités portugaises. Il en a été de même à notre domicile. 2° Nos cartes d’identité n’ont pas été tamponnées “JUIF” et nous avons été dispensés de porter l’étoile jaune. | 3° Au cours de l’été de 1943, sur dénonciation d’une de nos vendeuses, ma mère qui était seule à l’appartement a été arrêtée et conduite au camp de Drancy.Faisant preuve d’un extraordinaire courage, mon père et le vice-consul Carvalho da Silva se rendirent à ce camp et réussirent, à coup de menace d’incident diplomatique, à la faire libérer dès le lendemain. Entretemps elle avait subi des sévices, car les Allemands voulaient absolument savoir où mon frère aîné et moi étions cachés. 4° Devant l’aggravation de la menace, le consulat nous a fait savoir qu’il ne pouvait plus nous protéger à Paris très longtemps, et nous accorda les visas d’entrée au Portugal. Un convoi de rapatriés d’environ 140 personnes y arriva en octobre 1943, en résidence surveillée (une station thermale). | Ma mère et moi étant tombés malades entretemps, nous partîmes plus tardivement avec deux ou trois autres familles. Nous avons passé la frontière le 5 décembre 1943, pour arriver directement à Lisbonne. Comble de dévouement, Carvalho da Silva - le vice-consul - nous avait accompagnés jusqu’à Hendaye. 5° Nous sommes restés dix-huit mois à Lisbonne et avons pu y vivre grâce aux biens que nous avions pu transporter, le consulat à Paris s’étant efficacement opposé à toute confiscation. Quelles qu’aient pu être les motivations de ce pays à l’époque, je garde au Portugal une immense reconnaissance, ainsi qu’à ses deux représentants à Paris. Docteur Michel Abastado, né en 1930 |