La préparation de ce numéro spécial a constitué une belle aventure pleine d’enseignements. Le premier est l’enthousiasme avec lequel nombre de scripteurs se sont manifestés, par des réponses détaillées, circonstanciées. Et l’attachement montré à cette langue, à la culture qu’elle véhicule, est proprement étonnant : combien expriment de la culpabilité à ne l’avoir pas assez pratiquée, répandue ! Le temps est lointain du “jargon” qu’il fallait éviter pour paraître éduqué ! Combien surprenante et émouvante est la réponse de ce correspondant affirmant que pour la première fois de sa vie il s’essaie à écrire une langue qui, pour lui n’était qu’orale ! Le second est que la lingua muestra est bien une langue de communication internationale, puisque, comme l’expriment d’autres intervenants, les locuteurs-scripteurs se comprennent et peuvent échanger à travers le monde. Le troisième est qu’à l’expérience, et contrairement à l’avis exprimé par certains, il n’est pas évident qu’il faille contraindre tout le monde à écrire cette langue selon une orthographe unique et “normalisée”, figée. Les particularismes sont au contraire savoureux, significatifs tant qu’ils n’empêchent pas une compréhension générale. Ceci s’oppose à l’opinion selon laquelle il faut “nettoyer la langue”. Cette notion de “nettoyage” est très dangereuse à manier et ne doit l’être qu’avec grande circonspection : où s’arrêter ? Faut-il revenir au castillan (de quelle époque d’ailleurs ? du XVIe siècle ou contemporain ?) Et en poursuivant sur cette voie, pourquoi ne pas revenir au latin ? d’autant que le latin lui-même n’était pas exempt d’hellénismes etc… Dans ce numéro spécial, un certain nombre de réactions, de suggestions, sont communes à bien des correspondants, alors qu’aucun n’a pu lire les réponses d’un autre. Il est des leçons à en tirer : c’est le but d’une campagne à mener sur dix ans. C’est aussi l’objectif du congrès “Judéo-espagnol/Ladino, Langue et Culture” qui se tient ces jours prochains à l’UNESCO à Paris. Jean Carasso, Mai 2002 |