Il s’agit ici de l’éventuelle localisation en Espagne - ou ailleurs - de l’origine du nom Carasso. Les lecteurs anciens - surtout les homonymes... - se souviendront que nous avions retrouvé au sud-est de Burgos, alertés par Raphaël Carasso de Marseille et Elie Carasso de Tarascon, une petite localité appelée Carazo, la prononciation du z en espagnol étant très proche du double s en français. Un diplomate espagnol en poste en Roumanie - hélas décédé depuis dans l’accident de l’avion de la TAROM au printemps 1995 - nous assura que ce patronyme était toujours bien représenté dans la région de Burgos, entre autres par le plus célèbre médecin accoucheur de la ville (et ajoutait-il, “juif” et “médecin” sont quasi synonymes en Espagne...). Effectivement, l’annuaire du téléphone de la petite ville de Burgos recèle trois fois plus de Carazo que celui de la grande ville de Madrid. Consulté fort courtoisement sur ce qu’il pouvait savoir de ses ancêtres, de leur éventuelle judéité, ledit médecin ne nous a jamais répondu... Nous avions parallèlement à l’époque interrogé le spécialiste de la question en Espagne, Jose Luis Lacave, auteur de nombreux travaux sur les Juifs au Moyen Åge, dont un ouvrage que nous avons commenté : Juderías y sinagogas españoles, chez Mapfre, 1992. Jose-Luis Lacave nous avait fort aimablement répondu que rien dans les archives ne permettait de conclure à un peuplement juif dans ce village aux XIVème et XVème siècles. Nous avons, dans une brochure publiée il y a cinq ans, offert une explication plus plau-sible de l’origine du nom, que nous reproduisons ci-dessous. Mais il est amusant que ce micro-village de 325 personnes en 1846, 115 en 1971 et une cinquantaine en 1985 (l’exode rural, nous avons aussi connu en France...) revienne dans notre actualité sous la forme d’un intéressant dossier fourni par Samuel Armistead, titulaire de la chaire d’espagnol à l’Université de Davis en Californie, et homme d’une culture éblouissante. Ramón Menéndez Pidal relève dans son œuvre : Reliquias de la poesía épica española (seconde édition, Madrid 1980), en page 56 le quatrain suivant, sous la plume d’un moine du monastère de San Pedro de Arlanza, vers 1250, écrit en hommage à Fernán González qui fut comte de Castille vers les années 950. En 1250 la reconquête vers le sud de l’Espagne musulmane se poursuit activement et efficacement : Séville et Cordoue viennent d’être reprises et le moine anonyme rappelle que la frontière (entre territoires chrétiens et musulmans) au milieu du Xème siècle passait bien plus au nord : |
Samuel Armistead dit ne rien savoir en particulier sur cette bourgade mais réfute l’idée trop répandue de juifs n’ayant vécu à cette époque que dans les villes. Nombreux étaient ceux installés à la campagne, propriétaires exploitants ou exerçant de petits métiers. Et voici ce qu’exprimait la brochure évoquée ci-dessus, sous la plume d’Asher Moïssis :
|
Cet exemple est assez intéressant parce qu’emblématique de situations que l’onomas-tique juive rencontre souvent. Trop de chercheurs ont malheureusement cédé à la facilité de la manière suivante - et nous prendrons un exemple inventé de toutes pièces : parce qu’un Sépharade nommé Chimchon vivant en Istanbul ou à New-York recherchait l’origine de sa famille en Espagne, voire en Italie, ce qui ne manque pas de vraisemblance, il s’est muni d’un atlas détaillé de ces pays, voire même d’un atlas un peu ancien et, trouvant une bourgade appelée Chimchi, il en a conclu victorieusement mais hâtivement que sa famille était originaire de ce village, et ce sans aucune preuve documentaire dans les archives locales ou autres, ni aucun recoupement. Dans le cas de Carasso, l’affaire est entendue, de nombreuses ketouboth plus ou moins anciennes encore en possession de porteurs de ce nom lui associent celui de Lévi, rendant inutile toute recherche de localisation géographique. Nous ne citerons aucun nom d’auteur d’ouvrage, mais suggérons la plus grande prudence dans ce domaine. Jean Carasso |