Herzl Press - 1993 110 East, 59th street New-York NY 10022 USA. 13$ + port. Aussi bien à la Sephardic House
C’est en 1992 que ce récit de vie est paru, en hébreu. Le voici, traduit en américain.
La parole, l’irrépressible parole nous entraîne de Salonique à Yad Vashem, via Auschwitz. Écoutons Jack. La trajectoire qu’il décrit est celle d’un jeune homme de milieu bourgeois, aisé, heureux de vivre entre ses sœurs et frères dans la Salonique d’entre les deux guerres (il est né en 1927), avide d’entendre son grand-père lui raconter les origines catalanes lointaines de sa famille, respectueux de ses parents et s’entendant bien avec eux. Il est scolarisé à l’école juive Benveniste puis dans une école secondaire grecque. Il se dit agnostique. Jack nous offre le récit au jour le jour de l’emprise progressive des occupants allemands sur la communauté juive, de l’incroyable aveuglement des dirigeants de cette communauté et, rapporte-t-il honnêtement, de celui de son propre père. Il se demande après combien de jours de voyage vers Auschwitz en wagon à bestiaux plombé, son père commença-t-il à comprendre ce qui leur arrivait...Lui-même n’a-t-il d’ailleurs pas participé au recensement méthodique, scrupuleux, des Juifs de Salonique sur la demande des Allemands complaisamment relayée par les dirigeants de la communauté ? | Les parents et les sœurs de Jack furent gazés dès leur arrivée, ses frères desquels il put rester proche, moururent bientôt après.
De telle sorte que Jack fut, à Auschwitz, un tout jeune déporté ordinaire, seul, par opposition à ceux que, là-bas même, on appelait des prominent. Ces derniers, pour une raison ou une autre ayant acquis quelque privilège, avaient plus de chances de survivre que les premiers, mourant de faim. Il en découle que les témoignages écrits sont plus nombreux émanant des seconds que des premiers. Et ceux que nous avons analysés au cours de nos précédents numéros étaient plutôt ceux de prominent. C’est aussi en quoi ce témoignage-ci, calme, serein presque, distancié (Elie Wiesel le fait observer dans sa préface), est à lire. Quatre pour cent des Juifs déportés de Grèce survécurent. Jack relate que sur place il a cru la chance seule responsable de sa survie, et que plus tard, après sa libération, il apprit fortuitement qu’ une organisation - clandestine évidemment - dans les bureaux administratifs du camp s’efforçait d’épargner les plus jeunes, pour assurer le témoignage. | Il serait intéressant de savoir ce qu’Elie Wiesel, légèrement plus jeune que lui, et que Jack connait, pense de cette assertion.
Quoi qu’il en soit, le docteur Cuenca, de Salonique, l’aida passablement à survivre. D’évacuation d’un camp devant l’avance russe, en évacuation ultérieure à répétition, il est miraculeux que Jack ait survécu. Et “l’explication” proposée plus haut n’est pas crédible à ce stade. Les tribulations postérieures à sa libération font penser à celles de Primo Levi décrites dans “La Trêve”. La façon assez cocasse dont Jack s’intégra durant une année et demie dans l’armée américaine vaut d’être lue... Et Jack Handeli maintenant, tout comme Jacques Stroumsa, se dévoue au sein de Yad Vashem pour l’information des jeunes générations. Merci Jack Handeli ! Jean Carasso |