Quand Mikhoels est venu en Amérique

Une version plus longue de cet article est parue en yiddish.

Solomon Mikhoels lit lors d’une soirée en l’honneur de Charlie Chaplin, 1946. Image de l’association Forward

Il y a quelques semaines, le 12 décembre, j’ai participé à une commémoration à YIVO du 120e anniversaire du grand acteur et réalisateur yiddish Solomon (Shloyme) Mikhoels.

Je ne sais pas si Mikhoels est bien connu parmi la jeune génération en Russie ou ailleurs. Cependant, les personnes âgées, notamment en Amérique et au Canada, se souviennent peut-être du voyage qu’il a effectué avec le poète Itsik Fefer depuis l’Union soviétique vers l’Amérique du Nord en 1943. Ils sont venus en tant que représentants du Comité juif antifasciste, dont Mikhoels était le président. Ce qu’on oublie souvent, c’est que toutes les organisations juives n’ont pas accueilli les deux artistes.

Le Forverts Le cercle en particulier ne voulait rien avoir à faire avec la délégation soviétique, et il en était de même du Cercle des Ouvriers/Arbeter Ring. Le problème qu’ils avaient avec Mikhoels et Fefer était en réalité justifié. Il aurait été naïf de considérer ces deux personnes comme des représentants de la communauté juive soviétique. Personne, à l’exception du régime soviétique, ne les avait nommés, et le Forverts ne voulait avoir aucun lien avec le gouvernement soviétique.

Je pourrais écrire beaucoup de choses sur l’accueil hostile réservé à la délégation soviétique dans les pages du Forvertis, mais je me limiterai à un article, celui du célèbre écrivain yiddish Dovid Einhorn.

Le 17 juillet 1943, Einhorn publia un essai intitulé « Le monde connaît-il la vérité sur la délégation soviétique ? » Entre de nombreuses « vérités », Einhorn a rappelé le sous-texte antisémite de la mission – le fait même d’envoyer des Juifs (et non des Ukrainiens, par exemple), révélait (du moins à Einhorn) l’image que Moscou avait des Juifs américains : qu’ils contrôlait la presse, la radio, le cinéma et disposait d’un immense pouvoir capitaliste.

Pendant ce temps, on a bien ri aux dépens du romancier Sholem Asch, qui s’est comporté avec les invités soviétiques. Asch était alors devenu Treyf au Forverts – Un B. Cahan ne pouvait pas lui pardonner ses romans christologiques. Et en se moquant d’Asch, personne n’a oublié de lui rappeler la propre chanson satirique de Fefer, « Asch, Sha », écrite dans les années 1930, quand Asch est devenu Treyf en Union Soviétique.

Dans le Forverts certaines personnes comme Mikhoels ne sont devenues casher que dans les années 1970, au plus fort de la guerre froide. Mais à cette époque, on oubliait, ou on faisait semblant d’oublier, que Mikhoels, ainsi que Fefer, Dovid Bergelson et d’autres, étaient des citoyens soviétiques loyaux qui n’avaient pas été tués en raison de leur opposition à Staline. Au contraire, le meurtre de Mikhoels en janvier 1948 était une conséquence naturelle de la tyrannie de Staline, qui s’est simplement débarrassée des personnes susceptibles d’interférer avec ses plans, de manière plausible ou non.

Traduit par Ezra Glinter

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