Nous assistons à un grand réveil des Juifs américains. Cela peut-il durer au-delà de la peur et de la colère ?

J’ai pris la parole la semaine dernière lors d’une réunion « Alliés contre l’antisémitisme » pour une société multinationale de services financiers, avec plus de 250 participants via Zoom de tout le pays. L’autre jour, je me suis adressé à une foule debout composée de centaines de parents juifs inquiets dans une école privée laïque de Manhattan. Le groupe WhatsApp, par ailleurs endormi, destiné aux anciens élèves de ma femme de la sororité historiquement juive Sigma Delta Tau a pris vie.

L’horrible attaque terroriste du Hamas du 7 octobre et ses conséquences ont déclenché un grand réveil parmi les Juifs américains. D’où viennent tous ces Juifs et pourquoi s’engagent-ils maintenant ?

Les Juifs se rassemblent avec une intensité et une fréquence inhabituelles parce que nous sommes traumatisés et que nous voulons nous sentir connectés à d’autres qui sympathisent. D’une certaine manière, le peuple juif s’est transformé en une maison de Shiva mondiale de soutien et de présence.

Notre rapprochement nous montre également, ainsi qu’au monde, que nous ne sommes pas paralysés. Par nos dons et notre plaidoyer, par notre nombre, nous faisons preuve de force.

Nous voulons que les institutions chargées d’éduquer nos enfants et petits-enfants reflètent nos valeurs, et si ce n’est pas le cas, nous voulons faire connaître nos objections.

Cette prise de conscience s’enracine dans l’antisémitisme que nous ressentons, un antisémitisme qui semble à la fois plus répandu et plus virulent que nous ne l’avions imaginé.

Uniformément mauvais, l’antisémitisme n’est pas uniforme dans son expression. Ces dernières semaines, nous avons pu observer trois tendances principales.

La première concernait l’attaque elle-même : le meurtre antisémite de plus de 1 400 Juifs – religieux et non religieux, sionistes et non sionistes, juifs pour une réforme judiciaire et juifs contre. Des juifs qui ont été assassinés parce qu’ils étaient juifs.

La seconde est constituée de violences physiques et verbales – le genre de haine griffonnée, injurieuse, publiée sur les réseaux sociaux, lancée par des coups de poing qui ne fait aucune distinction entre juifs et sionistes. La définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste résume succinctement cette forme : « Manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme dirigées contre » les Juifs et « les institutions communautaires et les établissements religieux juifs ».

Nous avons assisté à une montée de cette forme d’antisémitisme, en particulier sur les campus universitaires, depuis le 7 octobre – un sentiment anti-israélien visant à intimider tous les Juifs par la menace d’une confrontation verbale et physique.

Le troisième type d’antisémitisme est ce que le rabbin Solomon Schechter, président du Séminaire théologique juif, a appelé en 1903 « l’antisémitisme supérieur ». Elle est moins violente mais plus néfaste et cherche à priver les Juifs du droit à l’autodéfense et à l’autodétermination.

L’une des manifestations de cette tendance est l’impulsion exprimée par de nombreux universitaires et également par le Secrétaire général des Nations Unies. António Guterres, situer les atrocités du 7 octobre dans le contexte d’un conflit en cours plutôt que de simplement les dénoncer pour le mal qu’elles représentent.

Les déclarations trop petites et trop tardives de nombreuses institutions américaines face aux attentats et les appels au cessez-le-feu des kumbaya qui ignorent la vie des Juifs en captivité sont des exemples de ce type d’antisémitisme. De même, le chant « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre », sans la moindre conscience qu’une telle vision nécessite l’éradication de la seule patrie juive. Souvent dissimulé dans le langage bien-pensant de la politique progressiste, cet antisémitisme prive les Juifs des droits dus à tout autre sous-ensemble de l’humanité.

C’est la reconnaissance cuisante de ce troisième type d’antisémitisme qui a profondément ébranlé la communauté juive américaine et l’a réveillée de son sommeil. Les Juifs ressentent le choc moral de voir des Juifs se faire assassiner et d’être ensuite blâmés pour ces meurtres.

Au milieu de toutes les justifications, équivalences morales, « ouais mais » et querelleurs de ces dernières semaines, une prise de conscience troublante s’est imposée à de nombreux Juifs américains : nous ne sommes pas aussi en sécurité sur ces côtes que nous le pensions.

Il ne s’agit pas d’attaques d’un nationaliste blanc fou, ni d’intimidation d’un juif hassidique dans les ruelles de Brooklyn, ni des divagations perturbées d’un rappeur délavé. Cet antisémitisme se produit chez nous, dans les institutions universitaires dont nous sommes de fiers anciens élèves ou parents, parmi nos amis sur Facebook, dans les groupes à but non lucratif où nous siégeons au conseil d’administration ou faisons des dons.

Partout le message est le même : la vie des Juifs n’a pas d’importance. Les Juifs américains qui ont grandi en pensant que leur identité juive n’était pas un tel facteur de différenciation, qu’ils étaient privilégiés et puissants, s’efforcent désormais de trouver la quadrature du cercle : ce que signifie être vu et traité différemment.

Le rideau a été tiré et l’après-octobre. 7 La réalité est laide. Nous réalisons que la place du Juif dans le monde moderne est une fois de plus menacée.

Et dans notre malaise, nous nous tournons les uns vers les autres pour obtenir du secours et de la force. Nous avons été, selon les mots de feu Eugene Borowitz, des « Marranes à l’envers ».

Contrairement aux Marranes d’autrefois, convertis au catholicisme mais restés secrètement fidèles au judaïsme, les Juifs américains se sentent depuis des décennies à l’aise dans leur extérieur juif, mais éloignés de la pratique réelle de la religion ou d’un engagement profond avec leur culture.

Pas plus. Les horribles événements du 7 octobre et la réaction du monde qui a suivi ont bouleversé toutes nos hypothèses en tant que Juifs américains.

Nous devons exploiter notre nouvelle solidarité interne pour répondre aux besoins urgents du moment.

Dans nos écoles, universités et lieux de travail, le moment est venu de faire entendre notre voix.

Dans un monde dérangé par la moralité, le moment est venu d’affirmer entre nous la justesse de la cause d’Israël.

Au milieu du traumatisme physique et psychique de notre peuple, le moment est venu de trouver réconfort et sagesse dans notre tradition.

Notre foi et notre communauté, considérées comme allant de soi, sont plus importantes que jamais.

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