Pour la première fois depuis que le gouvernement français de Vichy s’est associé aux nazis dans les années 1940, l’extrême droite en France a sa meilleure chance de reprendre le pouvoir. Mais la quête de Marine Le Pen pour la présidence pourrait être anéantie par le refus de son parti d’abandonner son antisémitisme.
Comment la France en est-elle arrivée là ? Lorsque des terroristes ont massacré le personnel de Charlie Hebdo en 2015, puis se sont déchaînés au Bataclan le 13 novembre 2015, tuant 130 personnes, cela a déclenché une panique électorale qui a profité au Front national de droite.
« Le parti d’extrême droite français a dominé le vote aux élections régionales du pays … dans une percée qui secoue le paysage politique du pays », ont rapporté Peter Allen et Lydia Willgress dans le Daily Mail à l’époque. « Le parti anti-immigration a obtenu au moins 29,4 % des voix alors que le pays maintient son état d’urgence à la suite des attentats terroristes de Paris. Il a remporté six des 13 régions au premier tour des élections.
Ironie du sort, le Front national aime à dépeindre ceux qu’il attaque comme étant des nazis. Selon Allen et Willgress, Le Pen a comparé les prières de rue musulmanes à l’occupation nazie. Pourtant, c’est le Front national qui a une longue histoire d’antisémitisme. Son fondateur, Jean-Marie Le Pen, a fait de la xénophobie et des attaques contre les Juifs un message central du parti qu’il a construit. Mais même si Marine Le Pen a habilement tenté de mettre son père inconditionnel au pâturage en 2011 et prétend avoir nettoyé le parti d’une telle haine, ces publicités anti-juives sont passées d’appels manifestes lancés par un porte-voix à des slogans subtils qui sont considérés comme des attaques de « coup de sifflet de chien ». Ceux-ci sont suffisamment silencieux pour que les médias grand public et certains électeurs français puissent les manquer, mais assourdissants pour ceux qui sympathisent avec la rhétorique populiste cherchant à blâmer les autres pour les problèmes, ou pour ceux qui reconnaissent ces mots de code pour ce qu’ils sont vraiment.
Par exemple, Jean-Marie Le Pen appelait les Juifs par leur nom. Mais sa fille choisit de pester contre la « mondialisation financière ». De cette façon, ses partisans peuvent lire des « banquiers juifs » dans de telles déclarations, mais elle peut habilement nier qu’elle imite l’antisémitisme manifeste de son père.
Mais les manœuvres classiques de sifflet de Le Pen ont-elles aidé le Front national lors du premier tour des élections présidentielles françaises ? Ou cette combinaison d’appels de clairon des sympathisants du parti de droite et de mots de code du parti lui-même a-t-elle réellement généré un contrecoup ?
À première vue, il peut sembler que cibler les Juifs a porté ses fruits. Après tout, le parti de Le Pen a terminé dans les deux premiers des élections d’avril 2017 et s’est qualifié pour le second tour du 7 mai, la première fois depuis 2002 que cela se produisait pour le Front national lorsque Jean-Marie Le Pen était candidat. Marine Le Pen a même dépassé le nombre de votes de son père.
Mais une analyse plus approfondie montre que la campagne Le Pen n’a pas réussi à capitaliser sur son succès de 2015. En effet, le Front national est tombé dans les sondages lors de la campagne contre un néophyte politique et a été quasiment éliminé par un conservateur entaché de scandales, malgré la présence d’un nouvel attentat terroriste.
Au début de la campagne, le Front national menait de plusieurs points face à Emmanuel Macron, un centriste de 39 ans qui n’avait jamais occupé de mandat électif auparavant.
Au fur et à mesure que la campagne avançait, la fortune de Le Pen a glissé, malgré ses protestations contre la « mondialisation financière et islamique ». Même lorsqu’un attentat terroriste a tué un policier au dernier moment et que les experts ont prédit une victoire pour Le Pen, la plus expérimentée, elle est encore plus loin derrière son adversaire inexpérimenté, terminant avec 21,4 % des voix, bien en deçà de son décompte de 2015 (Macron a reçu 24 pour cent). La question est pourquoi.
Un sondage Ifop-Fiducial du 3 au 6 avril avait donné à Le Pen une avance d’un point, position qu’elle a maintenue dans un sondage OpinionWay/OPRI/Radio Classique/Les Echos du 8 au 10 avril.
Mais l’affirmation scandaleuse de Le Pen selon laquelle les Français n’ont pas collaboré avec les nazis pour purger les Juifs parisiens a révélé ses vrais sentiments à propos de la Seconde Guerre mondiale. Cette déclaration très critiquée du 10 avril s’est sans doute avérée être le tournant du premier tour de l’élection présidentielle.
Les sondages effectués après ce déni de collaboration française dans la tragédie de l’Holocauste montrent que Macron passe en tête, de Harris/France Télévisions/L’émission Politique, montrant Macron en hausse de deux points du 11 au 13 avril, à Elabe/BFMTV/L ‘Sondages express du 16-17 avril, donnant à Macron 1 point d’avance. C’est la même histoire pour l’enquête Odoxa/Dentsu Consulting des 12 et 13 avril, donnant à Macron une avance de deux points. Tous les sondages mentionnés ci-dessus montrent l’évolution des fortunes électorales après les commentaires controversés de Marine Le Pen sur l’Holocauste.
À l’heure actuelle, les sondages montrent Macron avec une avance décisive au second tour, alors que d’autres partis français ont basculé derrière le centriste. Mais ce n’est pas encore fini. La répulsion avec les partis traditionnels pourrait permettre à Le Pen de retrouver son statut d’outsider alors qu’ils s’alignent derrière Macron. Et d’autres attentats terroristes pourraient propulser les électeurs nerveux vers le Front national, ce que les terroristes islamistes comprennent sans aucun doute.
Mais clairement, l’antisémitisme ne fonctionne pas comme un sifflet, et le Front National le sait peut-être. Il y a quelques jours, le Front national a limogé un chef de parti pour avoir défendu un négationniste de l’Holocauste et contesté la preuve que les nazis avaient gazé des Juifs. Une telle démarche, impensable au temps de Jean-Marie Le Pen, ou tolérable sous Marine Le Pen au début de l’élection, montre que les Français pourraient enfin rejeter leur passé de Vichy.
John A. Tures est professeur de sciences politiques au LaGrange College de LaGrange, en Géorgie. Il peut être contacté au [email protected] Son compte Twitter est @JohnTures2.