(La Lettre Sépharade) — Au lendemain de la pire attaque coordonnée contre Israël depuis la guerre du Yom Kippour, il y a exactement 50 ans, Israël est sous le choc. Dans le brouillard des développements en cours, les questions abondent. Avant tout : comment cela a-t-il pu arriver ?
Comment le renseignement militaire a-t-il pu échouer de manière aussi colossale ? Comment les bases de Tsahal ont-elles pu être si facilement envahies ? Comment les Gazaouis ont-ils pu bombarder Israël depuis les airs, la terre et la mer, occupant les communautés israéliennes, massacrant soldats et civils et prenant des dizaines d’otages, sans aucune résistance apparente ? Avec des images et des vidéos poignantes d’Israéliens retenus en otage ou cachés dans des abris, comment la réponse des forces militaires ou policières a-t-elle pu prendre autant de temps ? Comment les Gazaouis ont-ils pu simplement utiliser un bulldozer pour abattre la barrière entre Israël et la bande de Gaza ?
Les Israéliens prévoyaient de commémorer les 50 ans de l’attaque surprise égyptienne contre Yom Kippour en 1973, avec des débats publics en cours sur les leçons tirées de ce qui fut autrefois le plus grand échec des services de renseignement israéliens. Mais une nouvelle catastrophe inimaginable s’est produite et marquera l’histoire d’Israël avec une nouvelle incapacité à anticiper une attaque ennemie coïncidant avec une fête juive. Aujourd’hui comme autrefois, il y aura inévitablement des commissions d’enquête pour comprendre les échecs du leadership et des opérations qui ont permis cette attaque terroriste sans précédent. Aujourd’hui comme hier, les conséquences seront durables.
Mais pour l’instant, alors que la situation continue d’évoluer, des questions plus immédiates émergent sur la réponse de Tsahal et les jours à venir :
Quelle sera l’ampleur de la réponse de Tsahal et quels seront ses objectifs ? Comment Israël fera-t-il face à la réalité de plus de 50 Israéliens qui seraient retenus en otages (des civils aux commandants de Tsahal) ? Les dirigeants du Hamas seront-ils la cible d’assassinats ? L’armée israélienne va-t-elle réoccuper Gaza ? Mahmoud Abbas et l’Autorité palestinienne survivront-ils aux conséquences d’une situation de plus en plus insignifiante ? Le Hezbollah se joindra-t-il aux tirs de roquettes ? La Cisjordanie et Jérusalem connaîtront-ils une vague d’attentats ? Des émeutes israélo-arabes commenceront-elles dans les jours et les semaines à venir, rappelant le conflit témoin lors du dernier cycle Hamas-Israël en mai 2021 ? Et surtout : comment ça se termine ?
Ces événements influenceront l’héritage du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Autrefois présenté comme M. Sécurité, Netanyahu et le gouvernement israélien n’ont pas réussi à répondre aux besoins de sécurité les plus élémentaires des citoyens israéliens.
Depuis près d’un an, mes collègues et moi-même du Israel Policy Forum nous sommes joints à d’autres pour exprimer notre inquiétude quant à la nature du gouvernement d’extrême droite israélien, qui a absurdement placé Itamar Ben-Gvir au poste de ministre de la Sécurité nationale avec autorité sur la police des frontières israélienne malgré son historique de radicalisme et son absence de toute référence ou expérience en matière de sécurité. Notre espoir, comme tant d’autres, était qu’un gouvernement influencé par des dirigeants d’extrême droite inexpérimentés ne serait pas chargé de gérer une crise sécuritaire, encore moins une crise de cette ampleur.
Aujourd’hui, l’avenir politique est également trouble : ce gouvernement peut-il agir tel qu’il est actuellement constitué en réponse à l’assaut du Hamas ? En temps normal, un tel moment de crise justifierait la création d’un gouvernement d’union nationale. Yair Lapid a désormais appelé à un gouvernement d’unité d’urgence, sans Ben-Gvir et autres ministres extrémistes, et Netanyahu semble accommodant. Serait-ce le moment pour Netanyahu de renverser sa coalition ?
L’appel de Lapid à un gouvernement d’unité et d’autres déclarations immédiates des dirigeants de l’opposition et de la protestation affirment que l’unité d’Israël en réponse à cette attaque – comme elle s’exprime généralement en période de crise sécuritaire – est forte. La résilience israélienne en temps de crise a été mise à l’épreuve à plusieurs reprises et est restée inébranlable. Et pourtant, cette crise survient après des mois de divisions politiques et sociétales les plus féroces qu’Israël ait jamais connues. Les réseaux sociaux bourdonnent d’indignation face aux échecs manifestes du gouvernement, mais pointent également du doigt les dirigeants de la contestation qui ont refusé d’être réservistes pour protester contre la réforme, les accusant d’avoir contribué au manque de préparation d’Israël. L’unité israélienne, si clairement nécessaire en réponse à cet assaut, peut-elle tenir ?
Pendant ce temps, la poursuite de la normalisation israélo-saoudienne par l’administration Biden sera confrontée à une énorme épreuve. L’administration sera contrainte de s’engager directement dans le conflit israélo-palestinien, en veillant à ce que la stabilité régionale puisse être rétablie à la fin de ce cycle.
Mais la façon dont cela se terminera est profondément incertaine. Ce cycle, lancé par une horrible attaque du Hamas, restera à jamais dans les mémoires pour un nouvel échec historique des services de renseignement israéliens, mais aussi pour l’horrible brutalité des actions des terroristes, qui ne sera pas oubliée de sitôt par un Israël traumatisé.
Un tournant est arrivé. La durée de la crise actuelle, la question de savoir si et comment les dirigeants israéliens et palestiniens actuels y survivront, et la suite des événements pour les peuples israélien et palestinien sont de profondes questions. Ce qui n’est pas en cause : le changement arrive.
est directeur général du Israel Policy Forum. Ses écrits ont été publiés dans Haaretz, The Jerusalem Post, The New York Times, Politico, The New York Jewish Week et The Forward.
Les points de vue et opinions exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les points de vue de La Lettre Sépharade ou de sa société mère, 70 Faces Media.