Le barbier juif de Charlie Chaplin

Depuis 70 ans, les fans de « Le Dictateur » de Charlie Chaplin, désormais largement disponible en DVD, s’émerveillent devant la prescience de la satire anti-nazie du comédien. Tourné avant que l’Amérique n’entre dans la Seconde Guerre mondiale, alors que certains magnats du cinéma hollywoodien continuaient de critiquer Hitler en douceur, « Le Dictateur » continue de fasciner aujourd’hui.

Récemment publié aux éditions Capricci à Nantes, « Pourquoi des coiffeurs ? Notes opportunes sur « Le Grand Dictateur » », du critique de cinéma Jean Narboni, fait quelques observations nouvelles et convaincantes sur le film de Chaplin. Narboni, journaliste chevronné des Cahiers du cinéma, compare le double langage absurde de type allemand utilisé par Chaplin dans le rôle du dictateur Hynkel (voir vidéo ci-dessous) avec la « corruption constante de la langue allemande » par les nazis, comme l’a noté le philologue Victor Klemperer.

Soulignant la coïncidence avec laquelle un responsable de la culture nazie s’appelait effectivement Hinkel, Narboni observe que le personnage juif de Chaplin dans « Le Dictateur » est universellement qualifié avec dédain de « petit barbier juif », mais le qualifier de coiffeur, ou même de coiffeur, serait être plus précis, puisque dans une scène radieuse, il crée une coiffure pour la femme juive Hannah, interprétée par Paulette Goddard (née Marion Pauline Levy).

« Pourquoi des coiffeurs ? » cite également comme contexte une vieille blague antisémite, citée plus tard dans le film de Jean-Luc Godard de 1964 « Une femme mariée » dans laquelle un homme dit :

Aujourd’hui, en Allemagne, j’ai dit à quelqu’un : « Et si demain, on tuait tous les juifs et les coiffeurs ? Il répondit : « Pourquoi les coiffeurs ? »

En étendant la métaphore à Abraham Bomba, le barbier de Treblinka qui a été filmé par le réalisateur Claude Lanzmann pour son film « Shoah », Narboni arrive à des conclusions émouvantes sur la nécessité pour Chaplin et d’autres de témoigner sur une atrocité historique (Lanzmann exhorte de manière mémorable Bomba à parler : « Tu dois le faire, Abe »). Cette étude concise analyse également des rumeurs vénérables – mais infondées – selon lesquelles Chaplin lui-même était juif. Dans les années 1920, la propagande nazie avait annoncé que le vrai nom de Chaplin était « Israel Thonstein », un mensonge flagrant destiné à combattre la ressemblance troublante de la moustache du clown de cinéma internationalement apprécié avec celle d’un dictateur/ancien peintre en bâtiment en devenir.

Robert Meltzer, assistant réalisateur juif américain de « Le Dictateur », qui mourra en combattant en France en 1944, a tenté de dissuader Chaplin de prononcer son long discours final dans le film (« Lève les yeux, Hannah ! »), le trouvant également. sentimental. Chaplin, comme toujours, a persévéré malgré toutes les critiques, atteignant ainsi l’immortalité cinématographique.

Regardez le tour de force du double discours de Chaplin dans « Le Dictateur » :

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