Au milieu de combats sur plusieurs fronts – contre le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban, avec des menaces d’éruption en Cisjordanie et même la milice Houthi qui tire sur eux depuis le Yémen – les Israéliens doivent désormais envisager la perspective d’une instabilité le long de leur plus longue frontière.
C'est le résultat de L'attaque de dimanche au passage du pont Allenby, où trois citoyens israéliens ont été tués lors d'une fusillade terroriste, apparemment perpétrée par un Jordanien.
La situation sécuritaire actuelle d’Israël est déjà périlleuse. guerre à GazaLa guerre civile, déclenchée par le massacre du 7 octobre par le Hamas, continue de faire rage, tandis que 11 mois d'échanges transfrontaliers avec le Hezbollah au Liban ont permis à la région de rester à quelques brèves provocations d'une guerre à grande échelle. Déstabiliser la Jordanie pourrait aggraver le désastre, non seulement militairement mais aussi diplomatiquement.
C'est à cause de la relation géopolitique unique et précaire qu'Israël entretient avec la Jordanie, un pays qui lui fournit un front oriental calme et un tampon avec l'Irak, qui est un foyer pour les milices chiites soutenues par l'Iran. traité de paix L'accord signé entre les deux pays en 1994 est un accord historique qui a mis fin à des décennies d'hostilité et établi des mesures de sécurité coopératives.
Pourtant, malgré le fait qu'il s'agisse d'un État policier relativement bien géré, la situation de la Jordanie est précaire. La stabilité du royaume, qui est dirigé par un Hachémite La famille Abdallah II, qui bénéficie du soutien des tribus bédouines, semble toujours être quelque peu remise en question. La population comprend un nombre important de descendants palestiniens, dont beaucoup nourrissent de profonds griefs à l'égard de la politique d'Israël en Cisjordanie et à Gaza, depuis la création du pays en 1948. Leurs frustrations ont parfois dégénéré en troubles civils. Le roi Abdallah II a réussi à gérer ces pressions avec prudence, mais la situation reste délicate.
L’attaque du pont Allenby, déjà tragique prise isolément, risque de déclencher une chaîne d’événements qui pourraient déstabiliser fondamentalement cette situation, avec des conséquences catastrophiques pour toute la région.
Bien que les motivations de l'agresseur fassent toujours l'objet d'une enquête, l'incident fait craindre que les réseaux terroristes en Jordanie puissent s'enhardir dans un contexte de troubles croissants dans la région.
L’une des principales préoccupations des experts israéliens en matière de sécurité est que l’Iran, qui a joué un rôle important dans la fourniture d’armes au Hamas et au Hezbollah, pourrait tenter d’exploiter tout nouveau chaos en Jordanie. L’Iran a récemment cherché à faire passer des armes en contrebande en Cisjordanie, en utilisant la Jordanie comme voie de transit, ce qui soulève également des inquiétudes quant au fait que certaines armes restent en Jordanie et favorisent le chaos dans ce pays.
En outre, des rapports indiquent que des groupes militants sont soupçonnés d'avoir des bastions dans le sud de la Jordanie, où la frontière avec la région israélienne d'Arava est relativement facile à traverser. Cette région du sud est depuis longtemps une source de préoccupation pour les services de sécurité israéliens, car sa nature poreuse, au milieu d'un paysage lunaire désertique, la rend vulnérable aux infiltrations de groupes militants.
Si la monarchie jordanienne perdait son emprise sur le pouvoir, Israël pourrait se retrouver sur un autre front, ce qui compromettrait encore davantage sa profondeur stratégique déjà affaiblie. L’armée a en effet préparé des scénarios d’urgence pour des activités militantes et des attaques transfrontalières – et elle est déjà surchargée.
Si les conséquences de l’incident du pont Allenby conduisent à des troubles civils en Jordanie, Israël se trouverait face à un choix difficile : soit offrir une assistance militaire à son voisin pour tenter de stabiliser la situation, soit rester les bras croisés et risquer de voir son front oriental se transformer en une nouvelle zone de guerre. Dans un tel scénario, Israël pourrait avoir le sentiment de n’avoir d’autre choix que d’intervenir.
Une telle intervention comporterait toutefois d’énormes risques, car elle pourrait entraîner Israël dans un conflit prolongé avec des groupes militants en Jordanie. Israël ne peut pas risquer de laisser la Jordanie devenir une réplique du Liban, où un État souverain se contenterait de regarder les militants utiliser son territoire pour attaquer l’État juif.
Il y a néanmoins des raisons de rester optimiste. Le traité de paix israélo-jordanien a survécu à de nombreux attentats terroristes dans le passé, notamment en 1997, lorsqu’un soldat jordanien a ouvert le feu sur un groupe d’écolières israéliennes en excursion scolaire sur « l’île de la paix » à Naharayim, tuant sept personnes. Le roi Hussein de Jordanie a rendu visite aux familles des victimes en Israël pour leur présenter ses condoléances, démontrant ainsi son engagement envers le traité de paix.
Les relations israélo-jordaniennes ont longtemps été façonnées par une coopération dans l’ombre du conflit. Au cours de la guerre israélo-arabe de 1948, la Légion arabe jordanienne s’est emparée de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, ce qui a donné lieu à des décennies de conflit territorial. Mais en coulisses, la Jordanie et Israël ont maintenu une relation relativement pragmatique. Saddam Hussein a eu des communications secrètes avec les dirigeants israéliens tout au long des années 1960 et 1970, même lorsque la Jordanie a participé à la guerre des Six Jours de 1967.
Dans le contexte actuel, Israël doit se préparer au pire tout en espérant que le gouvernement jordanien saura garder le contrôle. De plus, garder le contrôle de la situation en Jordanie devient une raison supplémentaire de donner la priorité à la recherche d’un moyen de mettre un terme à la guerre de Gaza. Les enjeux ne pourraient pas être plus élevés.