Kazuo Ueda
Koleksion de vocabulario del djudeo-espanyol1 Kazuo Ueda est titulaire d’enseignement de langues romanes dans une
université japonaise, et il est venu étudier le judéo-espagnol et la culture
afférente en Israël auprès de David Bunis. Puis sur son chemin s’est trouvé
l’universitaire espagnol Salvador Santa-Puche qui l’a aidé. Tout naturellement
l’auteur explique donc son adoption du graphisme de “Aki Yerushalayim” et
propose dans un tableau préalable la juste prononciation aux lecteurs japonais,
ce qui ne semble pas tout simple…
Le dictionnaire comporte donc trois colonnes, le mot judéo-espagnol
en tête, puis entre parenthèses l’équivalent espagnol, puis, sur la moitié
droite de la page l’indication abréviée “verbe”, ou “substantif” ou “adjectif”
etc. et enfin le graphisme japonais.
A raison de trente-cinq mots environ par page, ce vocabulaire est
finalement assez complet. Souhaitons courage aux étudiants japonais!
(à noter qu’une jeune étudiante japonaise de judéo-espagnol vient
d’être récemment blessée dans un attentat à l’Université hébraïque de
Jérusalem.)
Jean Carasso
| Esther Cohen Aflalo
Lo que yo sé Manual de Haketía2 Esther Cohen Aflalo, native de Tanger, vit à Madrid depuis quarante ans. Maintes circonstances de sa vie depuis sa naissance dans le quartier hispanophone de Marshan l’ont familiarisée avec la haketía.
Depuis vingt-cinq ans maintenant, elle se passionne à relever des anecdotes, des petits récits humoristiques ou autres, qu’avec l’aide de son frère Mozy elle met en forme. Elle avertit modestement que son travail n’a aucune prétention académique et que cette langue haketía, “mélange d’espagnol, de castillan antique et d’andalou, d’arabe et d’hébreu, parsemé au surplus de mots anglais et portugais adoptés-adaptés, est l’unique moyen d’exprimer des sentiments et états d’âme qu’elle n’a jamais rencontrés dans d’autres cultures.” Elle ajoute dans son avant-propos que la haketía vit, comporte des variantes, que sa prononciation et l’intonation valent souvent autant que le texte, d’où l’importance du CD joint.3 Elle explique le graphisme adopté : partant de l’alphabet espagnol, elle a usé du seul tiret de soulignement disponible sur n’importe quel clavier pour exprimer des variables : le J se prononce comme le J de Janvier et non comme la jota espagnole, le H souligné comme le ch allemand de Buch et non comme le H aspiré de hija etc; elle écrit la chuintante sh pour le CH français, reconnaissant que ce système graphique ne peut prétendre à l’exhaustivité, et qu’il est indispensable d’écouter le disque pour se rapprocher le plus possible de la langue réellement parlée. La première partie du livre se décompose en défilé alphabétique des mots lettre par lettre, puis aussitôt après chaque lettre, petites phrases et dictons construits autour de tel mot et la version espagnole moderne :
| Blábas : que no sea nada. Te resfriates, blábas salido del mal : que no sea nada malo. Mabbúl : diluvio. Esta caendo mabbúl, meknéame un paragua : esta lloviendo mucho, dame un paraguas. Niftar : murió El gato de la vezina, niftar, levó el mal nuestro : el gato de la vecina murió, se llevó todo lo malo.
Le disque reprend précisément le livre et l’auteure lit son texte, permettant ainsi au lecteur- auditeur d’acquérir immédiatement l’accent correct en poursuivant la lecture sur son texte. Ce disque n’est malheureusement pas séquencé, de sorte qu’on ne peut l’entendre qu’en entier. Puis dans le dernier tiers du livre, intitulé Refranes, bendiciones y más,4 Esther égrène ses souvenirs, à sa fantaisie, pour le plus grand plaisir du lecteur (auditeur) et dans son épilogue se laisse aller à un cri de révolte : “[…la haketía étant la langue ancestrale transmise oralement de génération en génération], de quel droit a-t-on fermé la porte à mon passé enfoui en m’interdisant l’usage de cette langue au prétexte de l’assimilation? Non, la haketía vivra, je ne suis pas la seule à le prétendre, à y œuvrer.” Cette conclusion est si proche de celle que nous formulons à chaque instant nous-mêmes autour du judéo-espagnol, que nous y adhérons pleinement! Quoique nos deux langues soient issues de l’espagnol ancien, qu’elles aient nombre de points communs bien qu’au cours du temps elles aient divergé - voir les exemples ci-dessus - pour des raisons historiques connues, nous souhaitons sincèrement que les locuteurs de cette langue, qu’ils vivent présentement en Espagne - comme Esther - à Montréal comme bien d’autres, en Israël ou ailleurs, se rassemblent dans une initiative commune, un grand congrès “refondateur”. Ils bénéficieraient de tout notre appui! Jean Carasso |