Nous évoquions dans la LS précédente, sous la signature d’Albert Aben, un épisode de la guerre vécu par
un groupe de Juifs internés en Corse, à Asco,
en mai 1943. Robert Anave lui, a vécu un autre aspect de cet épisode qu’il n’a connu que de manière indirecte. En effet, arrivé de Lyon en Corse, diplôme de médecin en poche, il ne se déclare pas comme Juif et peut ainsi circuler et mener quelques activités de résistance, en accord avec son chef, Pierre-Henri Teitgen à Lyon. Et il raconte le retournement de situation le 8 septembre 1943 lors de la capitulation des Italiens qui, d’alliés des Allemands, devien-nent leurs ennemis : | “Les bersaglieri étaient sur pied de guerre à Erbalunga et comme ils savaient parfaitement ce que pensait la population, ils ont décidé d’armer un certain nombre de jeunes gens en leur remettant à chacun six grenades et en leur enseignant comment s’en servir... A part les officiers de l’OVRA - l’homologue de la GESTAPO - je n’ai jamais ressenti chez les soldats italiens d’animosité contre la popu-lation en général et contre les Juifs en particulier dont on ne comptait que quelques familles à Ajaccio et à Bastia et peut-être quelques familles réfugiées du continent... Les hommes juifs de Bastia de 16 à 60 ans avaient été arrêtés précédemment par la police italienne et mis en résidence surveillée à l’école d’ Asco - où la vie n’était pas celle d’un camp de concentration... | Un jour, alors que nous étions réunis en famille, des carabiniers se sont présentés à notre appartement et ont posé la question en italien “ Siete ebrei ? Etes-vous juifs ?” Devant le concert de dénégations, en particulier de nos épouses, ils se sont mis au garde-à-vous en saluant et nous ont répondu “Scusate” sans même demander nos pièces d’identité... Le bataillon de choc français, débarqué près d’Ajaccio, guidé par des partisans, perdit un certain nombre de soldats et je me rappelle qu’un jour, mobilisé comme médecin-adjudant au 29ème régiment de tirailleurs algériens j’eus pour mission de déterrer et de reconnaître pour les mettre en bière sous leur nom douze soldats enterrés sommairement sous quelques centimètres de terre, au bord de la route de Ghisonaccia... Comme disaient fréquemment les soldats italiens que je rencontrais : «Pazienza, un giorno finira»”. Robert Anave |