La disparité d’indemnisation entre deux catégories de victimes du nazisme, plaidée devant la Cour Suprême de Justice de l’Etat
reportage de David Benbassat-Benby
A la fin de la Seconde Guerre Mondiale en Europe, la Croix-Rouge Internationale et d’autres institutions se sont trouvées confrontées à d’immenses problèmes, dont celui de recaser les DP (deplaced persons) parmi lesquelles en priorité les survivants des camps concentrationnaires et des “marches de la mort”. Tâche ardue, car la plupart n’étaient plus que des épaves humaines magistralement décrites par Primo Levi dans “Se questo è un uomo”.
| Sous la conduite de Raoul Saporta, président de l’Association, environ deux cents membres s’entassent dans les autocars en direction de Jérusalem pour manifester et assister aux débats de la Cour Suprême de Justice de l’Etat d’Israël qui devrait statuer sur le fond d’une cause d’importance primordiale : amender la loi en vigueur depuis de nombreuses années sur les indemnités d’invalidité allouées par le gouvernement israélien aux rescapés et victimes du nazisme, afin d’aligner ces indemnités sur celles consenties directement par l’Allemagne elle-même à la seconde catégorie de victimes arrivées en Israël à une autre époque. Il existe en effet en Israël deux catégories bien distinctes d’anciennes victimes du nazisme :
Il s’agissait en l’occurrence d’un conflit fondamental opposant les diverses Associations des victimes du nazisme de la catégorie a) toutes origines et tendances confon-dues, au Ministère des Finances et au Procureur de l’Etat. Contacté par ces Associations, le député Abraham Hirschsohn avait tenté tout d’abord d’obtenir directement de la Knesset l’alignement sur la même parité des deux sortes d’indemnisation. | N’y ayant pas réussi, il lui restait la possibilité de saisir la Cour Suprême de Justice, seule instance juridiquement habilitée à statuer dans des litiges entre particuliers et autorités de l’Etat. A Jérusalem, dans l’imposant bâtiment flambant neuf d’une conception ultra-moderne qui abrite la Cour Suprême de Justice, une atmosphère houleuse nous attendait. Une foule innombrable d’anciens déportés dont certains arboraient les bannières des combattants et d’autres les uniformes des camps de concentration avec l’étoile “Jude”, obstruait toutes les entrées au grand dam des agents de sécurité s’efforçant de la contenir. Après une longue attente et jouant des coudes à notre tour, nous pénétrons finalement, à travers un dédale de couloirs, dans la salle d’audience visée, profitant aussi d’un léger dégagement occasionné par l’interruption des débats. Deux anciennes déportées, dont l’une avec le drapeau israélien épinglé sur le dos, tendent leurs bras marqués de l’indélébile numéro d’immatriculation concentrationnaire, criant à tue-tête “tsedek” “tsedek” ! (justice, justice) Les caméras de télévision les entourent et enregistrent leurs véhémentes réclamations. L’audience reprend. Les avocats Pinchas et Endelsman représentant les Associations de déportés interviennent brièvement, suivis par le procureur de l’Etat. En conclusion, le président de la Cour ajourne les débats en accordant aux deux parties un délai de trente jours pour exposer leur argumentation respective sur le fond du problème. ...Je venais de vivre une longue matinée d’intenses émotions, commencée au cœur de Tel-Aviv et terminée sur les hauteurs de Jérusalem par un constat d’exemples de démocratie souveraine donnés par le jeune Etat d’Israël. David Benbassat-Benby |