Les Juifs du Pape, voilà qui, pour le moins
rappelle des noms de villes : Avignon, Carpentras, Cavaillon et l’Isle sur la
Sorgue. Mais alors, pourquoi ces toponymes typiques dans certains villages
provençaux : rue Juiverie, carriéro de la
Jutarié, etc. ? A cette question et à toutes celles que vous ne manquez pas
de vous poser sur les Juifs du Midi, le beau livre de Danièle et Carol Iancu1 répond
- et à bien d’autres encore. Une longue histoire | Traduire Les Andalous ne furent pas les seuls à trouver refuge en Provence. Juifs anglais au XIIIème siècle, français au début du XIVème les suivirent. Et les drames qui ensanglantèrent la Castille et l’Aragon en 1391 entraînèrent l’arrivée des Juifs catalans, surtout à Arles. D’expulsions en refuges Les exilés ibériques de 1492 trouvèrent dans la Provence devenue française en 1481 une terre de transit. Bien avant la montée des périls, des flux et reflux de Juifs s’opérèrent de l’Espagne vers l’Italie en passant par Marseille. Le Comtat Venaissin aussi recueillit son lot de Sépharades : Joseph Ha Cohen, le celèbre auteur de “La vallée des pleurs” est né en Avignon en 1496, de parents chassés d’Espagne. Du capeou à l’étoile Au fil des siècles, ils s’étaient appelés Mossé3, Jacob, Isaac, mais aussi Astruc du Sestier, Bendich Borrian ou encore Tholsane Milhaud ou Bonjues de Carcassonne. Plus près de nous se sont illustrés Armand Lunel, Darius Milhaud. Hélas ces derniers durent connaître, après les remous de l’affaire Dreyfus (dans laquelle s’engagea de toutes ses forces Bernard Lazare, né à Nimes) les terribles événements de la Choah. Lois antijuives de Vichy entraînant persécutions, spoliations, rafles, “Camps de la honte” selon l’expression d’Anne Grynberg, où furent internés les Juifs, apatrides et autres, livrés par Vichy aux nazis, après les réfugiés de la guerre d’Espagne. Comment avoir le cœur alors de rappeler que, une fois de plus, la Provence avait été une terre d’accueil pour les nôtres, Sépharades des Balkans, qui étaient revenus tout au long du début du siècle à Marseille principalement ? | Malgré la résistance - juive entre autres - malgré le soutien de certains aux persécutés, pas plus que les juifs apatrides ou ceux nés en Afrique du Nord, en Pologne ou à Marseille, les Grecs et les Turcs qui, “travailleurs acharnés”, s’étaient intégrés au judaïsme provençal, n’échappèrent aux camps de mise à mort4. Dans sa préface flamboyante, Hugues Jean de Dianoux, qui s’est retrouvé des ancêtres convertis, replace le judaïsme du Midi médiéval dans son contexte non seulement méditerranéen mais aussi de contact avec les mondes de Tsarfat (la France) et d’Achkénaze (du nord). Quant au judaïsme provençal de nos années 90, ce sont des Juifs nord-africains revenus à partir de 1957 et en nombre en 1962 qui lui donnent majoritairement son visage actuel et le livre ne se fait pas faute d’en explorer toutes les composantes institutionnelles, religieuses, éducatives. Pourtant il faudra me pardonner de n’en citer qu’une : l’Association Vidas Largas si active sous la responsabilité de Marcel Coronel, et où le nouveau Marseillais un tant soit peu nostalgique de ses racines sépharades trouvera un accueil chaleureux5. Deviser de Salonique ou d’Istanbul avec l’accent du Midi, quelle émotion ! Vous l’aurez compris, ce livre est à lire, à consulter. Sur les Juifs du Midi, que d’éléments à découvrir dont je n’ai pu rendre compte ! J’espère seulement vous avoir fait partager mon intérêt. Mireille Mazoyer-Saül |