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| Commémorations Léon Arditti a eu besoin d’un demi-siècle de recul pour pouvoir raconter ses souffrances. C’est vraiment “L’écriture ou la vie”3 . Les commémorations sont utiles : elles font fondre les icebergs et taire les négationnistes, soi-disant historiens, du moins momentanément. Il paraît qu’en Allemagne de plus en plus de gens veulent savoir. Je pense que c’est un phénomène de troisième génération. La première, celle de la guerre : ils ont eux-mêmes participé au génocide, ils ne sont pas tous morts, ils vieillissent, bien cachés dans l’anonymat ; d’autres ont été plus ou moins complices, ou bien ils n’ont rien dit, rien fait, mais ils savaient - ou peut-être ils ne savaient pas -, mais ils ne peuvent pas ne pas sentir l’opprobre qui pèse sur l’ensemble de l’Allemagne nazie prise en bloc, et ils en faisaient partie. Deuxième génération : les enfants ; on aime, on respecte ses parents. Qu’ont-ils fait ? On ne s’interroge pas, on ne tient pas à savoir. Troisième génération : l’Allemagne de grand-papa, c’est loin. D’ailleurs, le plus souvent, grand-papa est mort : il n’y a plus vraiment de lien affectif avec ce passé. On n’est pas responsable, et les parents de la seconde génération non plus. On peut enfin vouloir savoir. Mais même ceux qui savent s’informent encore. Pourquoi ? Si j’en crois Charlotte Delbo 4 parce que c’est LE scandale du siècle. Staline, oui bien sûr, mais enfin les hordes asiatiques, Ivan le Terrible, Pierre le Grand, les Russes, les Turcs et les Mongols5 Gengis Khan, c’était hier. Mais le pays de Kant, de Gœthe, de J.S. Bach, c’est un cancer, une plaie inguérissable au centre de l’Europe, un incroyable déni de civilisation au cœur de la patrie de nos philosophes, de nos musiciens. On ne pourra jamais renoncer à demander, toujours, indéfiniment : comment cela a-t-il été possible ? Jean-Marie Allaire |