1994. Chez l’auteur, Raphaël Frezis, Odos Vasani 57 GR 383 33 Volos.
Dans chaque communauté qui comprend encore un noyau actif, des hommes se consacrent à tirer des documents de l’oubli, à creuser leur mémoire lorsqu’ils ont vécu les évènements cruciaux de notre siècle et à publier des travaux savants et bien informés au travers desquels leur communauté revit. Ils assurent ainsi la sauvegarde d’une culture qui a failli être totalement effacée du sol de l’Hellade. Parmi ces chercheurs obstinés, il suffira de citer Ezra Moysis de Larissa qui est possesseur d’archives de valeur auxquelles tout chercheur a libre accès, et qui publie divers travaux concernant sa ville traditionnellement appelée Madre de Israël. C’est également dans le cadre de ces études que Raphaël Frezis, Président de la Communauté israélite de Volos, a publié cette année un ouvrage consistant intitulé justement “La Communauté israélite de Volos” dans lequel il entreprend de fournir au lecteur le maximum d’informations sur elle ; histoire, éducation, sionisme, vie religieuse, culturelle et économique... En raison de la variété des éléments qui constituent la substance de ce travail, il est difficile de qualifier l’ouvrage de R. Frézis : tout à la fois étude historique et chronique de la vie quotidienne d’une petite communauté grecque, il intéresse essen-tiellement les Juifs voliotes vivant encore en Grèce ainsi que ceux dispersés dans le vaste monde, car il représente la sauvegarde de la mémoire de leur communauté sous la forme très maniable d’un livre de 327 pages qui abonde en éléments d’archives.
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Mais ce livre n’est pas qu’une compilation. Raphaël Frézis se livre à une analyse des conditions d’existence des Juifs voliotes dans l’environnement grec après avoir tracé un rapide tableau de l’histoire de la Magnésie, département situé au sud-est de la grande province de Thessalie. Ainsi il évite au lecteur étranger qui n’a pas forcément des connaissances approfondies de cet environ-nement géo-historique dans lequel il semble que les israélites soient installés depuis le Ier siècle avant l’ère commune, d’avoir constam-ment une encyclopédie sous les yeux. Jusqu’en 1850 environ, la communauté juive vit autour du kastro, la forteresse où résidaient généralement Turcs et Israélites. Et c’est à partir de la seconde moitié du XIXème siècle que cette communauté se développe et que certains de ses membres quittent la havra dont l’atmosphère n’était guère salubre pour s’installer au bord de la mer. Trois grandes familles d’origines différentes illustrent cette communauté : ce sont les Saporta, Sépharades de Salonique, les Barukh, Romaniotes de Janina, et les Siaki, originaires de la ville sicilienne de Sciacca, qui s’installèrent à Mystra, puis à Khalkida et enfin à Volos. Si l’on se base sur cet échantillon, on constate que la population juive de la ville était tout à fait composite. |
Actuellement, si l’on en croit le calendrier des manifestations que fournit R. Frézis, la communauté de Volos comportant 118 membres en décembre 1993 demeure très active. Quand l’on connait la situation du judaïsme grec au lendemain de la Choah, les éléments rapportés par ce livre qui témoigne des efforts constants de la petite communauté voliote pour affirmer son existence, seraient tout à fait positifs, si les statistiques tenues depuis 1956 n’indiquaient une nette décroissance numé-rique. Nous nous devons de rappeler ici qu’avant la guerre pourtant, l’effectif de cette communauté était suffisant - vingt familles au minimum selon la loi 2456/1920 groupées autour d’une synagogue en activité - pour que son existence fût officiellement sanctionnée par le décret en 138 articles du 17 mars 1933 “De la reconnaissance du statut de la communauté israélite de Volos” paru au journal officiel de la République Grecque du 27 mars de la même année. Cependant comme l’écrit R. Frézis avec sans doute quelque tristesse “en dépit de la diminution sensible de ses membres, la communauté poursuit sa vie et son histoire”. Bernard Pierron |