Rapport sur l’antisémitisme en France, 19931 Il est évidemment affligeant que la matière ait existé d’un tel ouvrage ! Il s’agit d’un bilan des faits, d’un essai de classement chronologique, géographique et thématique et d’une synthèse fouillée présentée au début de l’ouvrage. Approche descriptive, nuancée. C’est une étude collective, non signée. Le Mémorial des enfants juifs déportés de France, travail immense de Serge Klarsfeld, est sorti ces jours-ci. Nous avions déjà entretenu nos lecteurs de cette œuvre pie. Cet ouvrage de 1600 pages dresse de manière très complète l’histoire des 11000 enfants, leur état-civil, leur adresse au moment de leur arrestation, l’histoire de chaque convoi. Commandez-le aux “Fils et filles des déportés juifs de France”, 32 rue La Boétie, 75008 Paris tel. (1) 45 61 18 78 au prix de 500F. Cuentos sovre los Sefardies de Sarajevo2 d’Isak Papo, Rikica Ovadija, Gina Camhi et Clarisse Nicoïdski Dans l’ex-Yougoslavie couverte de ruines et de sang où survivait péniblement la naguère florissante communauté sépharade de Bosnie-Herzégovine réduite à sa plus simple expression par la Choah et l’émigration en Israël du petit nombre de ses rescapés, on pouvait difficilement envisager la parution d’un recueil de contes en judéo-espagnol avec traduction française (ou anglaise) en regard. Ce tour de force vient pourtant d’être réalisé grâce à l’initiative d’Isak Papo, figure emblématique de la culture sépharade bosniaque. | Ingénieur, professeur à l’Université de Sarajevo, un des rares écrivains maniant avec brio le judéo-espagnol, cet octogénaire a eu l’idée d’assembler sous la même couverture ses propres cuentos et ceux de ses trois amies, publiés à différentes dates dans diverses revues. Recueil assorti d’un glossaire et de photos-souvenirs sur la communauté. Un legs pour la postérité... Sépharades des pays balkaniques, nés au cours de la première moitié de ce siècle, où que vous soyez - en Europe ou disséminés aux quatre coins du monde - souhaitez-vous vous replonger dans l’atmosphère nostalgique de votre tendre enfance ? Et vous, héritiers physiques des précédents, mais hélas ! orphelins de la mémoire de leur merveilleuse langue ancestrale, désirez-vous récupérer tant soit peu le patrimoine qu’on vous a volé ? Caressez alors doucement chaque page de ce recueil (sans vous laisser tenter trop par la traduction en regard) et vous irez de découverte en découverte, en commençant par la palette des pittoresques surnoms accolés à une infinité de membres de la communauté portant les mêmes nom et prénom : ...Ster “la Flosa” ; ...Mento Salom “il Aguzador”; ...Musiku “il Ikmici”; ...Sunha “di la baruga”; ...Atijas “la Gajinitja”; ...Mazalta “la Roja”, etc.3 Et qui pourrait se souvenir sans émotion de cette Kunsizitja di mi Nona dont se servaient avec tendresse nos grands-mères et mères pour inciter les petits enfants à manger ? En voici quelques passages: ...Pasando kun sus dedus la palma di la manu di la kriatura, la nona dizija :“aki se asenta una gajinitja i eca un guevizitju”... ...Mitjendu un bukadiku di pan kun kezo sovri la palma, dizija :“Esti dedu dimanda pan, esti dimanda kezu”... ...Tumava il bukadiku di la palma, ivandulu pur il brasu, dizija :”Pur aki, pur aki, hop a la bukita !”... Dans une graphie et un style à savourer comme les délicieuses borekitas de alhachou, Isak Papo nous restitue avec force les multiples facettes de la vie quotidienne de la communauté. | Son conte Il kuniser (la soirée de présentation des futurs mariés) en brosse des fragments authentiques, autant de miroirs des coutumes de l’époque : ...Kazaminteru no kaljo ki si meta in medju sjendu los djinitoris ja si kunusijan komu vizinus de la kaleza... ...La primera kantika era “Aj ke relumbron di novja ermoza”, il padre dil novju li dizija a na novja, jamandula “ki salga a bajlar, ki la keru ver”... Dans Kunsejus de la madre a Bulitsa, de Gina Kamhi, une mère administre à sa fille sur le point de se marier tout un chapelet de recommandations : ... “Eskucha a tu maridu...Tu suegra vieni antis di todu. No ti ulvidis ki in danduti a su ijo ti dio sus dos ojus. Kun il maridu, nu kali munchu avlar”... Et tant d’autres conseils judicieux aux yeux d’une mère soucieuse du bonheur de sa fille, dont certains ne sont plus guère de mise...depuis la “libération” de la femme. Avec La Vieja Clarisse Nicoïdski nous plonge à pieds joints dans la tragédie de la deuxième guerre mondiale en Yougoslavie sous la botte nazie. Il y a de cela quelques années, dès la première lecture, la prose poétique de ce conte m’avait pris aux tripes. J’en fis même l’objet de mon intervention au cours d’une Noçada de judeo-espanyol au siège de l’hebdo-madaire SALOM (Chalom) d’Istanbul. ...La vyeja li intcho a Simon una solya di kave, su manu timblandu un poku. Manu kulor di siniza, kun un punyadu di siniza ditinyendusi in pyes. La siniza puedi turar mas ki la piedra !.. Es varda ki si stan yendu lus perrus ? Kripiandus lus veya ! Es varda ? I mi van a turnar a mi Dudu ? Dyo miu ! Di, Simon, lu vitis ? Savis ondi sta ? Mi va turnar ?... Dommage qu’avec son talent d’écrivain notoire Clarisse se soit limitée à très peu d’écrits en judéo-espagnol ! David Benbassat-Benby |