Oui, je pourrai dire “j’y étais”. J’ai entendu
tous les discours, toutes les communications, toutes les réparties (Ah !
monsieur Navon, faites-nous rire et sourire encore avec vos plaisanteries en spanyol !).
Pourtant cette langue, je l’avais oubliée.
Entendue pendant les deux premières années de ma vie, partie avec mes
grands-parents à Auschwitz, elle m’avait abandonnée... Et vous tous, Moshe, Rita, Aharon, Matilda, Margalit,
Elie etc. me l’avez
rendue. Oui, j’étais là avec tant d’amis connus et inconnus, avec nombre de nos lecteurs aussi, dans le grand amphithéâtre du Musée de la Diaspora - excusez du peu - puis au Musée d’Eretz Israel, où la “Lettre Sépharade” et plusieurs autres personnes, associations et institutions furent honorées pour leur action en faveur du judéo-espagnol par la remise de plaques commémoratives. | Par contre, je n’étais plus là lorsque, à l’invitation de MORIT - l’Association des Juifs de Turquie en Israël - et de Moshe Shaul , David Benbassat m’a-t-on raconté, divertit beaucoup son auditoire en chantant la version judéo-espagnole d’une chanson de Georges Milton. J’étais déjà revenue en France et lisais à haute voix, en pleine froide nuit parisienne, face à l’emplacement du “Vel’ d’Hiv” la liste du convoi 45, celle de tant de Juifs grecs partis sans retour il y a cinquante-deux ans. Ce qui nous anime, c’est le même devoir, la même mémoire, l’amour pour les nôtres tout entier contenu dans l’amour pour leur langue redevenue mienne. Cette langue dont notre correspondant Jacques Alcalay de Clermont-Ferrand nous écrit : | “...elle fait partie de mes racines les plus profondes, elle est attachante, elle est imagée, elle est chaleureuse, et ma mère, jusque dans ses derniers moments s’adressait à moi Yacovico avec des mots, avec des expressions, des proverbes, qui étaient le reflet d’un passé dont je ne transmettrai que peu à ma descendance”. Yacovico - permettez-moi de vous appeler ainsi - Yacovico, faites-leur lire la “Lettre Sépharade”, expliquez-leur tout ce que vous savez ; alors le passé, notre passé commun leur sera rendu. Et rendez-vous à Tel-Aviv dans deux ans. Maintenant, je vous quitte : devo aparejar mis palavras para los enkontros d e 1996... Mireille Mazoyer-Saül |