Si, par un hasard de l’Histoire, Christophe Colomb avait abordé l’Amérique, et les rois d’Espagne chassé les Juifs
en 1472, plutôt qu’en 1492,
tenons pour établi que le retentissement du cinquième centenaire eut été moindre. Car ce retentissement a été considérable, et se poursuit encore, sous forme de colloques, publications et réunions de réflexion, manifestations et autres évènements à travers l’Europe de l’Ouest et les Amériques en général. Nous avons mentionné dans ces “Lettre Sépharade” successives un très petit nombre de ces cérémonies commémoratives, posant même, dès la LS 2, que les festivités n’étaient pas de mise, ni pour les juifs, ni pour les musulmans, ni pour les Indiens d’Amérique, ni pour l’Eglise catholique d’ailleurs, et qu’un peu de décence s’imposait. Ceci exprimé, quelques réflexions viennent à l’esprit, qui n’épuisent pas le sujet, même en restant cantonnés à ce qui nous concerne ici, l’histoire des Sépharades. | Et ces réflexions, au fond, sont centrées autour de la question suivante qui inclut, mais transcende largement la seule recherche et transmission de mémoire sépharade: qu’est-il de changé depuis 1972 ? Mentionnons sans hiérarchie : la fin des blocs, donc des idéologies et considérations sur un monde meilleur ici et maintenant, donc des engagements dans ce sens. La fin des “trente glorieuses” années de croissance économique qui voyaient la situation de chacun, ou presque, s’améliorer notablement, vers “plus d’avoir”. Les deux facteurs précédents mêlés conduisant à un scepticisme, à un retour vers “chacun pour soi” ou son petit groupe, et peut-être même, si l’on est optimiste,à un “plus d’être”. Et pour nous, Sépharades hispanophones vivant en France dans la même situation que tous autres Français, s’ajoute le fait que les jeunes, nés ou ayant été élevés après la guerre, n’ont généralement pas entendu parler de leurs racines, de leur langue, de leurs coutumes. Les aînés - leurs parents - ont vécu dans un monde d’assimilation, où l’essentiel était de se fondre, de progresser socialement. | Et ces aînés, d’ailleurs, ne leur ont pas parlé du monde ancien, de leur immigration en France, pays d’accueil choisi et non obligé, de l’histoire d’entre les deux guerres, de la Shoa même. (Jean-François Renaud, dans la LS3 abordait cette question dans une formulation bien personnelle). Et tout ce qui précède - et mériterait un développement, un approfondissement auquel nos lecteurs participeront : comment les plus jeunes d’entre-eux ont-ils vécu cette période ?- explique un tant soit peu ce besoin de retour aux racines, au passé, l’essor de ces recherches généalogiques, de ces regroupements de familles par la filiation réelle ou l’homonymie (la fête des Carasso en septembre 91) ou la contrée d’origine. Et aussi le succès en “tache d’huile” de notre “Lettre Sépharade”, que nous nous efforçons toujours d’améliorer, et dont le présent numéro sera distribué à mille exemplaires de par le monde. Jean Carasso |